L'art du conte - Proscrire le Non !
Par convention d’écriture les termes conteurs et joueurs sont au neutre masculin, évidemment cela inclut aussi les conteuses et les joueuses.
Voici une des techniques fondamentales de narration, qui est bien trop souvent oubliée ou ignorée. Lorsqu’un conteur souhaite répondre aux questions des joueurs, il faut éviter les réponses fermées se contentant d’un simple non. Remplacez-le par un oui, mais ! C’est une option bien plus riche et valorisante, qui favorise l’immersion des joueurs. Cette habitude vous offre une narration plus fluide et améliorera aussi grandement le plaisir de jeu de tout le monde.
Une réponse fermée crée une désagréable frustration chez les joueurs. Cela sous-entend que cette idée était si peu valable à vos yeux, qu’elle ne vous inspire rien. Vous fermez les négociations qui pourtant permettraient d’envisager d’autres méthodes visant le même objectif. De plus cela donne le sentiment de déréalisation. L’univers parait plus factice puisque les « portes fermées » ne dévoile jamais leur contenu. Ainsi notre esprit se met à soupçonner qu’il s’agit finalement que de décors jalonnant les limites du monde.
Si le non est votre réponse systématique, vos joueurs frustrés vont progressivement réduire leur participation. Confronté à un mur récurrent lors de leurs interventions, le sentiment d’impuissance va s’installer. Et peu à peu, ils arrêteront d’être force de proposition. Ce ne seront plus les moteurs proactifs qui favorisent l’avancée de l'histoire. Au-delà, cela peut même les conduire à vouloir quitter votre table de jeu, se sentant dépossédés de leur libre arbitre ou éprouvant une trop grande fracture de la suspension consentie d’incrédulité.
Cependant, céder à tous leurs caprices n’est pas non plus une solution viable. Il faut savoir conserver la cohérence de l’univers que vous avez bâti et de l’intrigue que vous leur racontez. C’est là qu’intervient le mais, qui vous permet d’ajouter des conditions ou un contexte particulier à la demande de vos joueurs. Reflétant ainsi divers moyens pour atteindre l’objectif souhaité, même s’il parait impossible ou improbable.
Un exemple pour étayer le propos :
Marcisse, vivant en Californie, est une professeure des écoles tout ce qu’il y a de plus banale. Mais soudainement son quotidien est bouleversé par l’arrivée de vampires qui menacent ses proches. Constatant que les armes classiques sont peu efficaces sur les créatures, Marcisse se met en quête d’un lance-roquette, pensant les pulvériser lors de la prochaine rencontre.
Il y a en effet peu de chance pour que Marcisse dispose du réseau nécessaire pour obtenir un tel équipement. Pourtant, après une petite réflexion, plutôt que simplement lui dire non, le conteur va lui proposer une solution pour atteindre l’objectif.
Marcisse fait ses courses dans le centre-ville, et elle passe régulièrement à côté d’un quartier qu’elle sait être tenue par des gangs. Eux pourraient disposer du matos qu’elle souhaite acquérir. Cependant il faudra qu’elle mène une négociation dans cette zone dangereuse sans garantie de ne pas se faire détrousser. Néanmoins si elle y parvient, il serait légitime de lui accorder l’objet de son désir, le risque étant à la mesure de la demande.
Reste à déterminer si Marcisse sait se servir de cette arme ou non… mais c’est une autre histoire.
Dans cet exemple on peut constater que la réponse oui, mais est moteur pour l’intrigue et ajoute de nouveaux enjeux pour Marcisse tout en gardant en considération le souhait du joueur qui l’interprète.